La nuit, la radio et la liberté

À la tombée de la nuit, lorsque les fantômes se réveillent, lorsque les créatures diaboliques sortent de leur sommeil, elles s’emparent de mon esprit. Je le vois de façon parfaite et certainement évidente de l’avenir du pays. J’aurais aimé lire avant Les cahiers de prison d’Antonio Gramsci. Le temps de la bataille culturelle qui s’avère rude notamment aux néoconservateurs de toute tendance. Cela semble constant que le fait de « faire de la politique » via un militantisme dans des partis politiques, des associations politique et culturelles s’avère a priori entièrement dépassé dans le cadre actuel.

Je pense de façon singulière que lorsque je diffuse par exemple Purple Haze de Jimi Hendrix, je ne suis guère dans la neutralité tout comme lorsque je diffuse Heart of Gold de Neil Young de l’album « Harvest ». C’est au travers de la chanson « Alabama » que naîtra le morceau sudiste Sweet Home Alabama de Lynyrd Skynyrd. Le problème réside dans le fait qu’on nous a aseptisé l’espace public au travers de polémique stérile identitaire. On pourrait passer sur des sujets nettement plus importants, comme la fin du mois et les estomacs de plus en plus vides.

Le fait de se retrouver en étant apolitique et voulant absolument une culture neutre demeure d'une certaine manière de supprimer tous les éléments de cette culture. Au moment donné où la culture n'interroge pas, alors l'art de création n'a plus lieu d'être et n'a plus aucun sens. Je crois sincèrement qu’en voulant la suppression de l’interrogation de l’art, il n’y aura finalement qu’une forme de bâillonnement de l’art. Dans une période où le pouvoir pratique la « cancel culture » à tout-va, il semble nécessaire de créer des contrepouvoirs et des critiques vis-à-vis du pouvoir voyante ou non-voyante. Dans ce sens, il apparaît en tout état de cause que nous allons dans le milieu artistique vers deux apparences à savoir ceux qui font une culture de vitrine et ceux qui s’inscrivent dans les sorties de sentier pour questionner le monde.

Je crois pleinement lorsque je suis sur le « marathon » (c’est le surnom que je donne à l’émission) d’Isekai-Online et Radio Progrès pendant près de six heures de temps, je suis dans une symbiose pour passer des messages subliminaux. En mettant dans le blues et dans le jazz, derrière les accords, se retrouve une logique contestataire qui décrit et narre la vie quotidienne. La question dialectique et l’usage des mots permettront sans doute de faire deviner qui je suis réellement pour devenir l’animateur dans sa consécration ultime. Je pense qu’au travers de l’ambition de la variété des différentes musiques que je fais passer, il semble constant que juste « chiller » semble être la bonne approche, mais quand je diffusais régulièrement le morceau de Talk Talk : Such A Shame, je le traduis comme une « telle honte », j’exprime une position clairement politique. Qui m’empêchera d’avoir une émotion pendant une émission ? Je me rends compte également que cela pourrait se tenir sur d’autres morceaux comme If I Had Money des Blues Delight ou encore I Need A Dollar ou Money For Nothing, d’Aloe Black et Dire Straits. La vraie question résume dans le montage dans la production d’une émission. Certains y verront que des chansons à la suite. Mais le fil est plus subtil, je cherche parfois dans les paroles et dans leurs interprétations pour créer des relations.

Un jour, j’ai diffusé le morceau de Matmatah au travers de l’Apologie, une chanson qui prend position pour la légalisation du cannabis. On m’a critiqué ce jour-là de faire une émission très politisée, car j’avais pris position sur un sujet sensible. Mais que faire ? J’avais passé à plusieurs reprises les Garçons Bouchers (dont le chanteur est récemment décédé) au travers de la chanson Du beaujolais pour oublier ou encore la bière. Cela montre bien que sur deux psychotropes, la vision diffère de façon importante, et le message dans les deux cas s’avère politique. La réalité apparaît très subjective dans ce sens puisqu’elle est au jugement de la personne.

Finalement, c’est dans les confins de la nuit que je retrouve une vision de plénitude orientée autour de la liberté. Cela me semblait surprenant, mais il y a réellement une mission à soulever comme le disait MaxOurs dans l’interview, l’ouverture de l’esprit au travers de la culture musicale. Dans ce sens, le « Duplex » s’avère comme un marathon permettant de démontrer que c’est grâce à l’ouverture d’esprit et au mélange des cultures qu’ils ont la richesse de l’émission. Sans brassage des genres musicaux alors il n’y a plus de sens d’écouter la musique même moderne. Sans brassage, c’est le retour à la fin même de la musique et à ce que je fais, c’est-à-dire animer et créer des émissions.

This article was updated on 21 septembre 2023

Pierre Le Bec

Pierre Le Bec est connu sous le nom de « Pierrot l'animateur »