En 2015, j’ai fait le choix de passer le concours d’aide-soignant au sein de l’APHP à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. En effet, à l’époque, je faisais de l’aide à domicile et je travaillais dans un foyer pour personnes âgées. J’avais conclu que pour plus de stabilité dans le cadre de ma vie. De cette manière, j’ai trouvé un compromis entre vie privée et vie professionnelle. Je pense que j’ai fait le bon choix.
J’en ressors avec une note de 19,5/20 et classer 19e sur l’ensemble des participants à ce dernier. Je serais affilié à l’IFAS Saint-Louis entre Colonel Fabien et République. J’en ressortirai diplômé en 2017. Les stages furent particulièrement éprouvants à bien des égards, car nous étions dans une période antérieure à la COVID. Depuis, des modules ont été rajoutés et toutes les MSP’s ont été supprimées afin d’augmenter le nombre de soignants dans un cadre productiviste, c’est-à-dire la quantité à qualité. Parfois, ça me met dans une colère assez noire à bien des égards.
Très vite, diplôme en main, j’ai décidé de signer à la Croix-Rouge Française. Je crois que ce fut une erreur importante dans ma vie. J’ai longtemps vanté le modèle associatif sur le modèle des entreprises. Je me suis trompé. En effet, les associations sont bercées par l’idée du non lucratif, mais pour arriver à cet objectif, il faut savoir que les conditions de travail y sont désastreuses, voire presque inhumaines. Un paradoxe lorsque nous prenons soin de personnes dépendantes. Je suis tombé rapidement malade dans un burn-out. On ne peut soigner et être au rythme d’un robot, cela s’avérait en contradiction avec mes valeurs les plus profondes. Le temps des soins furent très longs et le chemin s’est soldé par la porte de sortie qui s’avérait être en réalité une délivrance.
Certains voient le chômage comme une forme péjorative, je crois que c’est aussi un moyen de se remettre en question et de voir ce que l’on veu réellement. Je ne rechigne pas à l’idée de devenir un jour « administrateur système », c’est mon objectif à terme pour sortir du monde des soins.
Au cours du chômage de la moitié de l’année 2022 et 2023, j’ai vraiment pris conscience de la contradiction à la suite de la crise sanitaire. Les bons soignants rendent souvent le tablier pour aller dans d’autres branches de métier. En septembre 2024, je rate un rendez-vous à Cap-Emploi et je suis radié pendant un mois. Rapidement, il faut trouver de quoi payer le loyer notamment. J’ai beaucoup de compétences, loin sans faute, mais je sais soigner, alors je suis retourné dans le monde du soin à marche forcée sans le vouloir réellement. J’ai fait de l’Intérim chez Adecco puis je suis rentré dans Korian. Pour des raisons professionnelles, je ne vais complètement expliquer ce qu’il s’y passe, mais j’en pense pas moins.
Entre l’enseignement et ce qui est devenu le monde du soin se retrouve un océan. Parfois, je me dis que tout est fait pour en réalité dégoûter les futures générations de soignants. En effet, la question durant l’été se pose fréquemment sous l’approche du manque de moyens humains, mais celui-ci n’est pas lié à une question des « non-vaccinés », mais d’une branche qui broie physiquement et psychologiquement les soignants, où la sortie s’avère une solution pour en sortir le moins abîmé possible. Les conditions dans toutes les boites se sont dégradées. Une solution structurelle s’impose, notamment par la refonte de l’ARS qui est la principale coupable à bien des égards.
Les dérives d’un secteur ne seraient jamais intervenues si l’ARS avait pris conscience que les soignants étaient des êtres humains qui s’occupaient d’autres êtres humains en souffrance. Pour bien prendre soin d’une personne vulnérable, il faut prendre soin aussi des soignants. Mais qui prend soin de nous ? Personne.